lundi 6 septembre 2010
Loire IV : Blois
Blois, château hétéroclite bâti en enclave carrée, illustre mieux que ses semblables l'accumulation historique dont bien des lieux en Europe sont témoins. En ville majeure d'une autre époque s'y sont succédés 7 rois et 10 reines de France, sans compter ceux qui ne l'étaient pas, comme Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII.
Une des ailes fut construite au 13e siècle : la salle des États généraux, par le dernier comte de Blois issu de Champagne. Au dessus de sa brique rouge étonnante, on peut distinguer les festons de la dentelle gothique. La tour de Foix, un peu à l'écart, remonte à la même époque. Dans cette vaste salle de réception où des fenêtres plus vastes furent percées, rompant avec le genre du 13e, furent rassemblés à quelques reprises les États généraux.
L'histoire même du château n'est que successions de démolitions partielles de l'Ancien pour la reconstruction de moderne, d'un nouveau magnifique qui se substitue à celui d'autrefois. François 1er, par exemple, fit démolir le logis médiéval pour faire rebâtir dans le style renaissance, au plaisir de son épouse Claude qui fut élevée à Blois. L'hermine et la salamandre y sont visibles partout, emblèmes des deux époux.
Dans cette aile, on retrouve l'unique cabinet royal conservé en France, de l'aile il est la seule pièce authentique. D'abord attribué à la Reine Catherine de Médicis sous le nom de cabinet aux secrets, il s'agit plutôt d'un bureau (studio = étude, en italien) du Roi. Le nom de cabinet aux secrets est authentique, des pans des boiseries peuvent s'ouvrir si on sait comment, révélant soit portes dérobées ou bien armoires cachées. Les écrivains romantiques ont désigné ces lieux comme ceux où "La reine noire" -au vu de son sempiternel deuil- conservait ses poisons. Il n'en était rien, pour le Roi cette pièce n'était qu'un moyen supplémentaire d'impressionner ses invités et illustrer sa grandeur. Car dans les petits compartiments cachés se dissimulaient de menus trésors ou éléments rares que le roi se plaisait à exhiber à des invités triés sur le volet, jouant à la fois du privilège, du raffinement de l'innovation et de la richesse du lieu ainsi que des possessions pour marquer d'une forte impression.
La symétrie de sa construction d'antan est aujourd'hui rompue. Non pas à cause des affres du temps, mais à cause des démolitions de Gaston d'Orléans qui aspirait à faire reconstruire le château de Blois et en faire le palais du Roi qu'il serait. Frère du Roi conspirateur, suite à de multiples tentatives de coup d'Etat pour récupérer le pouvoir d'un frère sans héritier, il avait été éloigné à Blois avec une forte somme d'argent afin qu'il cesse de nuire. Le pécule offert devait servir à l'occuper, Gaston d'Orléans décida de l'investir dans la construction de son palais. Il envisageait ainsi de faire abattre tout le château pour le faire reconstruire plus grandiose encore, dans l'architecture classique du 17e. Il fit d'ailleurs abattre un pan de l'aile de François 1er. Son ambitieux projet fut interrompue par la naissance inattendue de Louis XIV, ses bâtisseurs le délaissant de crainte de ne pas être payés. Il ne put jamais vivre dans l'aile qu'il fit bâtir, laissée en plan avant d'être habitable.
Puis, tout près, s'élève l'aile de Louis XII et d'Anne de Bretagne. Dans un style à cheval entre le gothique français et celui de la renaissance italienne, on y perçoit comme un augure le style à venir, avec ses lieux plus ouverts et son balcon. Sur le côté de cette aile se dresse la chapelle d'Anne de Bretagne, bien qu'amputée de sa nef par l'ambitieux projet de Gaston d'Orléans.
Ces quatre ailes entourent une cour intérieure, où simplement en tournant la tête les strates des époques nous semblent visibles grâce aux attributs architecturaux des bâtiments.
Outre ceci, ce château a une caractéristique moins visible : il est un lieu-clef dans la guerre des trois Henris. C'est là qu'Henri III fit assassiner dans sa chambre Henri de Guise, le ligueur catholique.
L'intérieur du château, devenu caserne à la Révolution, serait bien drabe sans l'intervention de l'architecte Félix Duban au XIXe siècle. Il fit refaire une majorité de boiseries, de carrelages et de décors dans le château, espérant lui rentre ses atours d'antan. Le décor intérieur est fastueux, se veut réaliste et historiquement fidèle, mais il n'est toutefois pas authentique. Il s'agit d'une autre strate d'histoire, celui de la reconstitution du XIXe, qui se superpose aux autres.
dimanche 5 septembre 2010
Loire III : Chambord
Ampleur et majesté sont les deux premiers termes qui peuvent venir à l'esprit face à ce château de la Renaissance. Premier château que fit bâtir François premier, selon ses souvenirs d'Italie dont il s'est inspiré de l'architecture, il est monument à la gloire de ce Roi. Comme le voulait François 1er.
Grande caractéristique de ce château, sa pièce maitresse pour ainsi dire est son escalier à double hélice, permettant l'entrecroisement de deux escaliers en spirale où, selon le souhait de François 1er, "on peut voir et être vu" sans systématiquement se croiser. Cet escalier est au coeur même du château, dans le centre de cette structure carrée bordée de quatre tours rondes. Une merveille selon l'époque, parfois désigné comme magique vu sa particularité.
Le voeu de grandeur prononcé lors de la construction du château nous est réitéré haut et fort, par chaque pièce il semble. Pourtant l'instigateur de la construction n'y aura passé que quelques jours. Pareillement pour Louis XIV qui s'émerveilla face à ce château. Son office premier, vu son énorme parc (le plus grand en Europe), était de servir de pavillon de chasse. C'est là où on remarque que la chasse n'avait pas le même ton qu'aujourd'hui.
Nos pas nous mènent dans l'aile de François 1er, où il avait ses appartements, ne voulant se mêler au commun des mortels habitant dans le château. On exhibe avec ostentation un anachronisme évident, un lit à baldaquins surélevés, posé sur un piédestal. Style correspondant peut-être à la cour du roi soleil avec ornement au goût renaissance. Sinon, les meubles qui nous accueillent sont parfois correspondants aux moeurs de la cour. Pliables et facilement transportables, car la cour était d'abord et avant tout nomade.
Nous happons un guide, qui nous emmène avec d'autres par des passages plus voilés, des escaliers quasiment dérobés, ceux du service. Jusque dans les entresols ou logeaient les moins éminents des personnages, ou jusque sous les combles où, même là, des appartements étaient aménagés.
Les plafonds hauts, les lieux très ouverts, le château est un véritable palais de courants d'air, même ce jour clément où nous avons visité, nous frissonnions. Les lieux, magnifiques, ont été envisagés avec peu de pragmatisme pour y vivre. Nous montons sur le toit, admirer le sommet du lieu, avec ses pièces d'ardoise clouées pour tromper l'oeil et transformer par illusion la craie tuffeau en marbre italien. Nous admirons le grand jardin et le parc, aussi loin que nos yeux portent. Et nous aproprions peut-être ainsi, dominant le paysage, un peu de la grandeur du lieu.
Loire II : Angers
Le château d'Angers a une architecture spéciale, ses murailles étant faites de calcaire blond, et d'ardoise. Il offre en spectacle ses tours d'une alternance de couleurs assez particulière. A Angers, ancienne capitale de l'Anjou, on oublie pas le "Bon Roi René", auquel le château d'Angers est lié, ni l'histoire un peu plus obscure du comté-duché si on se penche surtout sur l'histoire de France en ses grandes lignes.
Ce château a la particularité d'être bourré d'anecdotes. On se rappelle, par exemple, l'existence d'un apprenti architecte maladroit, Jean le Brave, qui, suite à une erreur, fit bâtir le châtelet -que l'on voit ci-contre- de travers. Son maitre, pour le sauver d'un châtiment, convainquit que l'asymétrie était issue d'un style prisé à l'étranger. Cette justification le sauva, pour quelques jours seulement, puisqu'il mourut peu après dans un effondrement.
Ou, encore, Henri III qui fit rabaisser les tours de quelques mètres, sachant que son ami Gontrand le Doux, atteint de somnambulisme en était tombé en pleine crise. Comme il était lui-même somnambule on le comprendrait, cependant... Les tours ne font environ, désormais, qu'une vingtaine de mètres, à cause de cette décision visant à réduire les risques de morts.
Jacques le Gentil qui participa à l'aménagement du château en prison, avant d'y finir lui-même suite à une erreur judiciaire, avant d'être dévoré par d'autres détenus quelques jours après son emprisonnement.
Ou bien ces douves, non pas emplies d'eau mais bien... de bêtes d'élevage, de cultures et d'animaux exotiques qu'on se plaisait à exhiber.
Mais l'un des principaux attraits du château aujourd'hui est la présence de la tapisserie de l'Apocalypse, dans un état remarquable. Sur cette tenture commandée par Louis 1er d'Anjou et tissée en 7 ans seulement, on remarque tout de suite la démonisation de l'ennemi de l'époque et de la contextualisation de l'Apocalypse dans l'ère du temps. La guerre de 100 ans y avait laissé sa marque, et cette tapisserie servait la propagande du royaume de France en le liant au divin et à Saint-Jean qui écrit ses visions sous les étendards français. La bête de la terre, un lion avec sceptre et couronne, ou la bête de la mer, un lion à sept têtes venu de la mer, sont des références parlantes. On remarque aussi la récurrence des symboles liés au duché d'Anjou, dont les fleurs de lys et les emblèmes.
Également, la nuance de définition entre apocalypse (qui veut dire "révélation") de l'époque et celle de nos jours est frappante. On ne voit pas l'apocalypse comme une destruction pure et simple, mais une période de chaos et de destruction de ce qui est impur, précédent l'érection d'un monde meilleur soit le retour du paradis terrestre et l'avènement de la "Jérusalem céleste". L'apocalypse est, grossièrement, ce par quoi le mal est entièrement chassé, la fin des nuances entre bien et mal dans lequel le monde surnage. La fin, en somme, de l'insécurité. De ce qui reste de ses 100 mètres de large et 4 mètres de haut, c'est une forte impression de la complexité de cet ouvrage. Visitant la galerie où est étendue la tenture, nous entrons en contact avec, à la fois, une vision divergente de la nôtre sur le terme fort de l'apocalypse et, à la fois, un travail de propagande de l'époque des plus impressionnants.
samedi 4 septembre 2010
Loire I : Tours
Tours fut notre point de chûte et de ralliement en vallée de la Loire, point central entre tous les châteaux que nous voulions admirer. Parfois difficile à joindre, il faut en convenir (surtout lorsqu'on rate son train en se trompant et prenant un aller pour Paris, on prend son mal en patience, on visite Sablé-sur-machin et Le Mans -enfin leurs gares-, puis on rentre lessivés), mais une ville coquette. Avec ses jolies maisons à colombage de sa vieille ville, elle a le charme particulier de la région plus au nord de la France.
Ruelles étroites, on les emprunte pour rentrer à l'auberge de jeunesse, où j'aide parfois une jeunesse octogénaire, Elise, avec les problèmes du quotidien. Quasiment aveugle, elle est venue chercher secours à St-Martin, la paroisse juste à côté, où les petits frères des pauvres l'ont référée. "La pauvreté, ce n'est pas que le manque d'argent, c'est aussi la solitude", profère-t-elle sagement pendant que je lui cherche son déjeuner. Une fois à table, ses conseils se tournent plutôt vers les avantages indubitables qu'offrent les robes, chapeaux et sacs de tissu jeans qu'elle porte, non sans fierté. Je pourrais dire que le ruisseau de sagesse mystique est tari, que le charme est rompu. Mais non, simplement que dans une auberge de jeunesse, je fais un peu de gériatrie (selon les dires des employées qui n'ont, apparemment, aucune envie de m'imiter). Je préfère dire que j'échange. Des conseils plus ou moins avisés, j'achète, contre un peu d'aide et de mon temps, et plus cher encore, la présence de Ivan qui n'a rien pu faire avant que je l'invite à notre table. Un peu moins de solitude pour celle qui s'en plaint, où après sa demande à la cantonade "Quelqu'un parle français? On peut m'aider", la salle s'est soudain faite plus polyglotte qu'avant.
L'église où elle est référée, haut lieu de pèlerinage, rompra sans doute mieux que moi sa solitude avec sa flopée de pèlerins et ses quelques irréductibles fidèles. Son dôme surprend, il fait presque moyen-oriental, ou florentin. Comme quoi le dépaysement en terre française tient à peu de choses.
A Tours on s'étonne. Y aurait-il donc une fixation sur le pucelage? On tombe sur quelques établissements, comme le bar "Les trois pucelles", dont le nom nous fait bien rigoler. Puis, lents à la détente, on comprend enfin devant "La pucelle armée" la raison de cette fixette amusante pour qui n'a pu contextualiser. Car ce serait là que la mythique Jeanne aurait été pourvue de son harnois et de son étendard. Tours donne l'occasion de raviver le souvenir, toujours vivace, d'un des grands symboles de la France, la Marianne version Moyen-Âge, dont l'image a enflé avec le temps et est devenue la représentation même de la France libérée de l'occupation. Mystique reçue par le monarque du moment, le désemparé Charles VII, n'était-elle pas grandiose exception? En fait... comme l'aristocratie de l'époque recevait fréquemment ses devins et mystiques, et présumait que ne pas écouter une de ces mystiques conduirait au malheur, il n'est pas exceptionnel qu'elle fut reçue. A l'époque même cependant, elle était déjà un symbole. Son lien avec le divin ou le malin signifiait le tort ou la raison des royaumes de France et d'Angleterre dans leur lutte âpre.
Car manichéisme oblige, Dieu était avec l'un et pas avec l'autre, restait à savoir qui. Voilà d'ailleurs pourquoi elle fut brûlée, puis réhabilitée, par simple nécessité politique. Douée de pouvoirs, je doute qu'elle le fusse, mais imprégnée de la volonté populaire de se débarrasser de l'occupation anglaise et des lots de mercenaires qui ravageaient la terre, elle l'était assurément. Et dépassée par le domaine martial et politique, assurément. Mais, sachant que son courage était mû principalement par une naïveté certaine face aux choses de la guerre (On fonce et Dieu fera le reste, au diable la stratégie), et une certaine obstination aveugle (elle était incapable de concevoir la perception d'autres individus ni d'altérer son raisonnement en quoi que ce soit), est-ce fondé de la louer comme une cassandre crue un instant puis reniée, morte en martyr? Peut-être, vu la beauté de l'histoire, comprend-on la naissance de ce symbole national, mais entre son mythe grandi par les romantiques et sa réalité, la marge est grande.
Tours, comme toute bonne ville française d'envergure, est pourvue de sa cathédrale, au saint patron obscur, Saint-Gatien, qui est de surcroit saint patron des cathédrales. Lors de la visite, une parcelle de récit amusante pouvait être aperçue sur un vitrail, narrant le vol du cadavre de celui qui fut fait saint, l'Evêque Gatien de Tours ou bien Martin de Tours, un de ses successeurs. Mort ailleurs, les moines de tours, pour rapatrier le cadavre, l'ont volé en le faisant passer par une fenêtre. La dentelle de pierre est toujours aussi jolie et impressionnante, mais l'histoire de son patron est la plus amusante de tous ceux que je pus connaitre en errant dans je ne sais combien d'églises de France.
L'église est reliée au cloître de la Psalette, où étaient enseignés autrefois la musique et le chant des psaumes. On découvre avec un certain émerveillement cette enclave de pierre, tout aussi ouvragée que la cathédrale même. On y voit les marques de l'architecture de la renaissance. On y voit aussi, remarquez, quelques empreintes des passages dans la psalette, sous forme de graffitis multiples dans la pierre de ses couloirs. Certains, on le présume au vu des dates inscrites, pourraient être d'époque. Mais même les historiens s'y perdent. L'une est datée des années 2000. Au moins celle-là on est sûrs de son authenticité. Machin + truc. Ah, sont-ils encore ensemble? Le graver dans un bâtiment renaissance et se larguer, ce serait con, quand même. "Ah, on a passé 40 ans ensemble. On se déteste, mais on a pas le choix, comme on l'a gravé sur un monument historique du coup ce serait trop bête de se séparer..." Chacun pense laisser sa griffe en s'achetant ainsi un peu d'immortalité et de souvenir. Mais ainsi, chacun se perd dans la foule des autres noms, apportant confusion puis, par la suite, désintérêt pour la multitude confuse qui a laissé son nom dans l'espoir d'immortalité. Mais on se demande, pourquoi admirer les noms séculaires gravés dans la pierre, au dessous des murs encore peints, et ne pas admirer truc et machin qui ont gravé la chose hier dans l'espoir qu'ultérieurement, on spécule sur ces amoureux d'autrefois en visitant. Espérons que je fus juste, j'ai spéculé maintenant.
Quelques photos du cloître :
Ruelles étroites, on les emprunte pour rentrer à l'auberge de jeunesse, où j'aide parfois une jeunesse octogénaire, Elise, avec les problèmes du quotidien. Quasiment aveugle, elle est venue chercher secours à St-Martin, la paroisse juste à côté, où les petits frères des pauvres l'ont référée. "La pauvreté, ce n'est pas que le manque d'argent, c'est aussi la solitude", profère-t-elle sagement pendant que je lui cherche son déjeuner. Une fois à table, ses conseils se tournent plutôt vers les avantages indubitables qu'offrent les robes, chapeaux et sacs de tissu jeans qu'elle porte, non sans fierté. Je pourrais dire que le ruisseau de sagesse mystique est tari, que le charme est rompu. Mais non, simplement que dans une auberge de jeunesse, je fais un peu de gériatrie (selon les dires des employées qui n'ont, apparemment, aucune envie de m'imiter). Je préfère dire que j'échange. Des conseils plus ou moins avisés, j'achète, contre un peu d'aide et de mon temps, et plus cher encore, la présence de Ivan qui n'a rien pu faire avant que je l'invite à notre table. Un peu moins de solitude pour celle qui s'en plaint, où après sa demande à la cantonade "Quelqu'un parle français? On peut m'aider", la salle s'est soudain faite plus polyglotte qu'avant.
L'église où elle est référée, haut lieu de pèlerinage, rompra sans doute mieux que moi sa solitude avec sa flopée de pèlerins et ses quelques irréductibles fidèles. Son dôme surprend, il fait presque moyen-oriental, ou florentin. Comme quoi le dépaysement en terre française tient à peu de choses.
A Tours on s'étonne. Y aurait-il donc une fixation sur le pucelage? On tombe sur quelques établissements, comme le bar "Les trois pucelles", dont le nom nous fait bien rigoler. Puis, lents à la détente, on comprend enfin devant "La pucelle armée" la raison de cette fixette amusante pour qui n'a pu contextualiser. Car ce serait là que la mythique Jeanne aurait été pourvue de son harnois et de son étendard. Tours donne l'occasion de raviver le souvenir, toujours vivace, d'un des grands symboles de la France, la Marianne version Moyen-Âge, dont l'image a enflé avec le temps et est devenue la représentation même de la France libérée de l'occupation. Mystique reçue par le monarque du moment, le désemparé Charles VII, n'était-elle pas grandiose exception? En fait... comme l'aristocratie de l'époque recevait fréquemment ses devins et mystiques, et présumait que ne pas écouter une de ces mystiques conduirait au malheur, il n'est pas exceptionnel qu'elle fut reçue. A l'époque même cependant, elle était déjà un symbole. Son lien avec le divin ou le malin signifiait le tort ou la raison des royaumes de France et d'Angleterre dans leur lutte âpre.
Car manichéisme oblige, Dieu était avec l'un et pas avec l'autre, restait à savoir qui. Voilà d'ailleurs pourquoi elle fut brûlée, puis réhabilitée, par simple nécessité politique. Douée de pouvoirs, je doute qu'elle le fusse, mais imprégnée de la volonté populaire de se débarrasser de l'occupation anglaise et des lots de mercenaires qui ravageaient la terre, elle l'était assurément. Et dépassée par le domaine martial et politique, assurément. Mais, sachant que son courage était mû principalement par une naïveté certaine face aux choses de la guerre (On fonce et Dieu fera le reste, au diable la stratégie), et une certaine obstination aveugle (elle était incapable de concevoir la perception d'autres individus ni d'altérer son raisonnement en quoi que ce soit), est-ce fondé de la louer comme une cassandre crue un instant puis reniée, morte en martyr? Peut-être, vu la beauté de l'histoire, comprend-on la naissance de ce symbole national, mais entre son mythe grandi par les romantiques et sa réalité, la marge est grande.
Tours, comme toute bonne ville française d'envergure, est pourvue de sa cathédrale, au saint patron obscur, Saint-Gatien, qui est de surcroit saint patron des cathédrales. Lors de la visite, une parcelle de récit amusante pouvait être aperçue sur un vitrail, narrant le vol du cadavre de celui qui fut fait saint, l'Evêque Gatien de Tours ou bien Martin de Tours, un de ses successeurs. Mort ailleurs, les moines de tours, pour rapatrier le cadavre, l'ont volé en le faisant passer par une fenêtre. La dentelle de pierre est toujours aussi jolie et impressionnante, mais l'histoire de son patron est la plus amusante de tous ceux que je pus connaitre en errant dans je ne sais combien d'églises de France.
L'église est reliée au cloître de la Psalette, où étaient enseignés autrefois la musique et le chant des psaumes. On découvre avec un certain émerveillement cette enclave de pierre, tout aussi ouvragée que la cathédrale même. On y voit les marques de l'architecture de la renaissance. On y voit aussi, remarquez, quelques empreintes des passages dans la psalette, sous forme de graffitis multiples dans la pierre de ses couloirs. Certains, on le présume au vu des dates inscrites, pourraient être d'époque. Mais même les historiens s'y perdent. L'une est datée des années 2000. Au moins celle-là on est sûrs de son authenticité. Machin + truc. Ah, sont-ils encore ensemble? Le graver dans un bâtiment renaissance et se larguer, ce serait con, quand même. "Ah, on a passé 40 ans ensemble. On se déteste, mais on a pas le choix, comme on l'a gravé sur un monument historique du coup ce serait trop bête de se séparer..." Chacun pense laisser sa griffe en s'achetant ainsi un peu d'immortalité et de souvenir. Mais ainsi, chacun se perd dans la foule des autres noms, apportant confusion puis, par la suite, désintérêt pour la multitude confuse qui a laissé son nom dans l'espoir d'immortalité. Mais on se demande, pourquoi admirer les noms séculaires gravés dans la pierre, au dessous des murs encore peints, et ne pas admirer truc et machin qui ont gravé la chose hier dans l'espoir qu'ultérieurement, on spécule sur ces amoureux d'autrefois en visitant. Espérons que je fus juste, j'ai spéculé maintenant.
Quelques photos du cloître :
jeudi 12 août 2010
Le Château Ducal
Situé en plein coeur de Caen, le Château dédié au duc de Normandie se dresse. Il s'agit de l'un des plus grand château d'Europe, dans lequel trône désormais maints reliefs historiques mais aussi le musée des Beaux-Arts de Caen.
Ce château d'ampleur a été bâti selon le désir de Guillaume le Conquérant. Cette volonté est née du désir de faire de Caen sa capitale afin de garder une mainmise sur ses barons rebelles.
Ci-contre, l'Église St-Georges, bâtie en même temps que le château, au 11e siècle, et rénovée après les bombardements anglais du 15e. A l'intérieur on discerne encore faiblement la peinture sur la pierre, puisque comme toutes les églises d'importance de son époque, la pierre des murs, des piliers et de la voute était peinte. Des motifs peints, il ne reste pas grand-chose, quelques couleurs et quelques traits néanmoins pour rappeler le faste d'autrefois.
Dans la cour du château, une grue bâtie sur le modèle de l'époque par quelques stagiaires-charpentiers dotés d'un projet ambitieux : recréer un outil représentatif de ceux existants il y a environ un millénaire.
En outre, un autre aspect caractéristique du château normand demeure les reliefs de son donjon, immense : aussi vaste que le sont des châteaux plus modestes, que l'on retrouve plus fréquemment, de ci de là en France.
Plages du Débarquement
Voici quelques photos du voyage que nous avons fait sur les côtes normandes. Nous avons décidé de prendre une journée pour voir les fameuses plages où ont eu lieu les débarquements américains, canadiens et britanniques.
Ces plages, on présume leur sable gris, leur allure austère, voire sinistre. Pourtant je me suis trouvée étonnée en tombant, un jour particulièrement ensoleillé, sur des plages magnifiques au sable fin, bordant pourtant la manche. Je dois admettre que j'ai été étonnée de leur apparence, sans doute est-ce un préjugé de touriste qui en vint à tomber.
Nous avons pu voir de près les plages d'Omaha Beach, où ont débarqués les troupes américaines, ainsi que la plage de Gold où ont débarqué les britanniques. Ils y ont d'ailleurs créé un port artificiel puisque les ports occupés étaient des forteresses inexpugnables. Quelques reliefs de barbelés rouillés rappellent que ces plages et ces champs coquets qui les surplombent n'ont pas toujours été les paysages idylliques dont ils présentent désormais le visage.
En surplomb des plages se trouvaient des batteries d'artillerie, protégés par des bunkers dont certains sont encore en état à ce jour. Dans l'un d'eux, les restes d'un canon, couvert de rouille, sa base gisant dans une mare d'eau croupie ou surnagent quelques détritus. L'époque est loin où il pouvait envoyer par le fond un navire situé à 20 km de distance. Il offrirait un triste spectacle, faisant abstraction de sa nature meurtrière.
Sur l'ancien champ de bataille, on parle français, anglais, allemand, notamment. Signe sans équivoque que, sur les lieux de la première altercation, il n'y a pas d'obstacle à la réconciliation.
A la pointe du Hoc, un site d'exception puisqu'il s'agit du seul endroit du débarquement où l'arrière-pays n'était pas plat, il ne reste que peu de traces des événements. Quelques barbelés rouillés, masqués par la végétation. Même la colline qu'ont gravi les soldats américains n'est désormais plus la même.
Dans les cratères du dernier site, le guide peste contre les gamins qui courent dans les cratères d'obus, laissés tels quel après les bombardements. Les lapins aussi, remarquez. Enfants et lapins ont, en ce qui concerne ces cratères, la même insouciance bienheureuse en y laissant leurs traces. Dégradant le site, certes, comme le fait remarquer le guide, accélérant les affres du temps sur ce pan de terre laissé au quatre vents. Triste pour les férus d'histoire, il ne s'agit que de la nature qui reprend ses droits. Les signes des horreurs qui s'effacent d'eux-mêmes, cessent d'être en évidence sur le sol et dans les mémoires. Il en va de même pour les souvenirs et les reliefs de toutes les guerres. La question que relèvent ces vision est : doit-on déplorer la ruine des reliefs d'un conflit, va-t-elle de pair avec la dissolution des souvenirs? L'effritement des constructions est souvent synonyme d'oubli, en va-t-il de même pour l'effritement des destructions?
Le Tour du Mont Blanc ou TMB
Première semaine du mois d'aout : nous partions, paquetage au dos, pour une grande randonnée, le Tour du Mont Blanc, aussi appelé familièrement et amicalement TMB.
Malgré le fait que, pour moi, le tour ait été un demi-tour, sachant qu'une intoxication m'ait arrêtée à mi-chemin, l'expérience a été exceptionnelle. J'en ressors ébahie par les paysages que mon regard a pu embrasser et édifiée à propos des sources de montagnes qui, même à 1900 mètres ne seraient pas toujours pures, quoi qu'on en dise. Je suis donc rentrée, mais je ne renie pas pour autant la grande randonnée. Je dis donc à la montagne que c'est à charge de revanche. Lestée de filtres d'eau en plus, je reviendrai. Ne reste plus qu'à pousser un rire machiavélique pour l'effet dramatique, bien que je doute que ce serment effare la moindre montagne (fort heureusement).
Après le départ de Contamines-Montjoie, nous avons parcouru une étendue plane. On semblait, dans le parcours villageois précédant les gorges Notre-Dame, s'étonner de notre lourd paquetage. Plus de familles sorties pour la journées ou la matinée, voyageant léger, croisaient notre chemin que de randonneurs engagés dans un périple de quelques jours. La première montée assez raide me fait reconsidérer le rythme, pas le choix avec une quinzaine de kilos en plus (sur le dos et amovibles, encore heureux).
Avec la première journée (commencée tardivement il est vrai) s'acquièrent les habitudes et le rythme de croisière.Il nous arrive de croiser, de temps à autre, une source d'eau digne de figurer dans les publicités d'eau embouteillée. On nous avait juré que dans le massif nous ne manquerions jamais d'eau et le massif semblait bien décidé à faire honneur à cette promesse. En règle générale, au dessus de la zone de croissance des feuillus et de passage des troupeaux d'alpages, soit environ 1500 mètres, l'eau est pure et potable. Et empreinte d'un indéniable charme bucolique il faut dire.
Le premier repas passé, nous parcourrons une étendue de pâturages qui s'étendent en contrebas du col du Bonhomme, vers lequel nous nous dirigions. On y remarque certains chalets d'alpages, quelques troupeaux. Plus nous montons dans le parc naturel des Contamines, plus ils se font rares.
Bien que durant la matinée, le temps était déjà aux averses sporadiques, le temps se couvre davantage durant l'après-midi. Vers les 15h, au moment où nous sommes engagés dans la montée du col du bonhomme, le ciel se plombe puis des trombes d'eau commencent à le crever. Les sifflements aigus des marmottes se taisent, ou bien tout absorbés que nous sommes dans la montée, nous ne les entendons plus.
C'est à demi trempés que nous arrivons au sommet du Col du Bonhomme. Nous profitons de la présence d'une cabane minuscule, simple abri en cas de mauvais temps, pour reprendre notre souffle et nous réchauffer un peu. Nous nous y entassons avec d'autres randonneurs. On s'y retrouve à quatre ou cinq, le col est un passage très fréquenté et y convergent de multiples parcours. En un an, pour trois parcours différents, Ivan l'a franchi pour la troisième fois.
L'abri, tout minuscule qu'il soit, est un univers polyglotte. Oui, Yes, Ja, et Da, même, comme nous confirment le couple qui nous demandent leur chemin vers le col de la Croix du Bonhomme en anglais, avant de poursuivre leur conversation en langue slave. Les murs de l'abri eux-mêmes parlent. Le bois foncé est propice à la gravure. Après l'ascension, il est d'autant plus fréquent que l'on se rengorge d'avoir été là et que l'on veuille laisser sa marque, nous permettant de saluer l'effort de randonneurs de toutes origines, fait d'hier ou qu'il soit daté d'il y a 30 ans, au fil de la lecture des lettres, chiffres ou idéogrammes nous tombant devant les yeux.
L'heure tournait et nous nous trouvions toujours en plein nuage. Il nous fallait continuer notre route vers le col de la Croix du Bonhomme. C'est à ce moment que la pluie se mua en orage, avec les précipitations abondantes qui l'accompagnent. L'orage est le fidèle ennemi des randonneurs, surtout lorsqu'ils n'ont pas d'abri et qu'ils sont exposés, ce que nous étions, nous avons donc accéléré la cadence. Notre tâche s'est aussi trouvée compliquée par l'eau de l'averse qui rendait boueux le chemin et gonflait le torrent que nous avions à traverser.
Notre parcours vers le refuge du Col de la Croix du Bonhomme, situé à près de 2500 m d'altitude, ne se fit pas sans fatigue et lorsque nous avons abouti dans le refuge, nous étions trempés au point de tordre nos vêtements et frigorifiés.Seul refuge dans les environs, à cheval sur le passage du col, il fallut payer le prix fort(selon les tarifs en vigueur dans les refuges) pour trouver là-bas l'assurance d'un abri et de chaleur pour la soirée et la nuit. Mais le privilège de sécher un peu et de poursuivre la randonnée sans souffrir continuellement de l'humidité, que nous n'aurions pas eu si nous avions déplié la tente sous la pluie, valait bien les 20 € que nous avons déboursé. Comme quoi même à 2400 mètres passés, nous pouvons nous faire rappeler la leçon d'économie élémentaire liant la hausse des coûts à la rareté.
Le lendemain, la matinée s'est un peu étirée à cause de l'intempérie qui se poursuivait. Vers les 8h30, malgré le brouillard persistant, la pluie a cessé, nous laissant la trêve nécessaire pour nous esquiver sitôt nos effets ramassés. Alors que nous descendions de l'autre côté du col, vers les chalets de la Raja, en direction du village des Chapieux, le ciel s'est soudain dégagé, nous permettant de voir dans le lointain le refuge que nous avions quitté. Du rocher nu jouxté d'un peu d'herbe et de mousse se trouvant à 2500 mètres, nous avons vu le paysage et la végétation se transformer de nouveau au fil de la descente, retrouvant des herbes plus hautes, observant le retour des arbres, des troupeaux et de l'activité humaine sur notre chemin alors que nous parcourrions un dénivelé de 1000 mètres en descente.
Après avoir traversé le minuscule village alpin de Chapieux, nous avons emprunté une longue route goudronnée se dirigeant vers Ville-des-Glaciers. Le chemin parcouru par des navettes entre les deux villes semblait monotone, après le passage sur les sentiers escarpés. Cependant, quelques fraises sauvages croissant sur le bas-côté de la route asphaltée nous ont aidé à tromper à la fois la faim et l'ennui, ainsi que la vue impressionnante sur la vallée située en contrebas.
Au terme du chemin, nous nous sommes retrouvés à Ville-des-Glaciers, une agglomération encore plus petite que la précédente au pied de l'Aiguille des Glaciers. Derrière la petite chapelle laissée à elle-même, nous avons sorti le réchaud et avons préparé de quoi casser la croute.
Cependant le saucisson que nous avions emporté avec nous au début du voyage nous aura quitté sur place, emportés par quelques chiens locaux qui profitèrent du moment où nous récurions gamelles et couverts pour nous le chiper.Après avoir fait le deuil de ce compagnon de voyage, nous avons entrepris la montée vers le col de de la Seigne, faisant office de frontière entre la France et l'Italie. Au gré de l'ascension nous voyions le chemin serpenter derrière nous, retrouvions du regard tout notre parcours, à mesure de notre remontée vers ce col juché à 2516 m de hauteur.
Pour nous accompagner dans notre montée, les paysages époustouflants des montagnes découpées en lame de rasoir sur l'horizon, les stries des torrents à leur surface, les glaciers les surplombant, les nuages plus ou moins chargés les frôlant et le jeu de la lumière et des ombres sur leur surface.
Quelques photos de la montée
Nous avons établi un campement non loin du col, à environ 2400 m d'altitude. Au vu des rafales de vent ainsi que de l'altitude, la nuit fut fraiche. Le lendemain, avec seulement quelques mètres à parcourir pour franchir la frontière, nous escomptions nous trouver en Italie avant la fin de la matinée.
Quelques photos du Col de la Seigne
Par la suite nous sommes redescendus dans la vallée d'Aoste, région autonome italienne, par un petit sentier serpentant dans la Lée Blanche. Quelques fleurs bleutées attirèrent notre attention.
C'est à cause du côté italien que le col de Seigne porte son nom, issu du terme latin sancia, signifiant plaine marécageuse. La terre, du côté italien, était davantage imbibée d'eau et la cause de ce nom se remarque particulièrement à la retenue d'eau du lac Colombal où le marécage s'étire aux abords du chemin niché dans la vallée. Peu après le col on peut remarquer de curieuses habitations semi-troglodytes, maintenant ses habitants au frais l'été et au chaud l'hiver.
Nous continuons notre route, redescendant au fond de la vallée pour remonter de nouveau, atteignant notre 2500 m quotidien au sommet de l'Arp Vieille supérieure, pour redescendre de nouveau sur le chemin de Dolonne et Courmayeur, serpentant sur le flanc des montagnes. On y remarquera des panneaux fort particuliers.
Nous aboutissons finalement au Col Chécrouit, station de ski désertée vu la saison, en surplomb de Courmayeur, où nous passerons notre dernière nuit. Nous profiterons de l'eau issue d'un refuge, qu'on nous laisse prendre après nous avoir fait la mention qu'on la présumait potable, lorsque nous nous en sommes informés. La méprise était là, sans doutes. Nous avons consacré la quatrième journée à la descente vers Courmayeur, vu l'état dans lequel m'avait laissée l'eau du refuge. Non sans déception nous sommes rentrés plus tôt que prévu, mais nous osons dire : Nous reviendrons!
Malgré le fait que, pour moi, le tour ait été un demi-tour, sachant qu'une intoxication m'ait arrêtée à mi-chemin, l'expérience a été exceptionnelle. J'en ressors ébahie par les paysages que mon regard a pu embrasser et édifiée à propos des sources de montagnes qui, même à 1900 mètres ne seraient pas toujours pures, quoi qu'on en dise. Je suis donc rentrée, mais je ne renie pas pour autant la grande randonnée. Je dis donc à la montagne que c'est à charge de revanche. Lestée de filtres d'eau en plus, je reviendrai. Ne reste plus qu'à pousser un rire machiavélique pour l'effet dramatique, bien que je doute que ce serment effare la moindre montagne (fort heureusement).
Après le départ de Contamines-Montjoie, nous avons parcouru une étendue plane. On semblait, dans le parcours villageois précédant les gorges Notre-Dame, s'étonner de notre lourd paquetage. Plus de familles sorties pour la journées ou la matinée, voyageant léger, croisaient notre chemin que de randonneurs engagés dans un périple de quelques jours. La première montée assez raide me fait reconsidérer le rythme, pas le choix avec une quinzaine de kilos en plus (sur le dos et amovibles, encore heureux).
Avec la première journée (commencée tardivement il est vrai) s'acquièrent les habitudes et le rythme de croisière.Il nous arrive de croiser, de temps à autre, une source d'eau digne de figurer dans les publicités d'eau embouteillée. On nous avait juré que dans le massif nous ne manquerions jamais d'eau et le massif semblait bien décidé à faire honneur à cette promesse. En règle générale, au dessus de la zone de croissance des feuillus et de passage des troupeaux d'alpages, soit environ 1500 mètres, l'eau est pure et potable. Et empreinte d'un indéniable charme bucolique il faut dire.
Le premier repas passé, nous parcourrons une étendue de pâturages qui s'étendent en contrebas du col du Bonhomme, vers lequel nous nous dirigions. On y remarque certains chalets d'alpages, quelques troupeaux. Plus nous montons dans le parc naturel des Contamines, plus ils se font rares.
Bien que durant la matinée, le temps était déjà aux averses sporadiques, le temps se couvre davantage durant l'après-midi. Vers les 15h, au moment où nous sommes engagés dans la montée du col du bonhomme, le ciel se plombe puis des trombes d'eau commencent à le crever. Les sifflements aigus des marmottes se taisent, ou bien tout absorbés que nous sommes dans la montée, nous ne les entendons plus.
C'est à demi trempés que nous arrivons au sommet du Col du Bonhomme. Nous profitons de la présence d'une cabane minuscule, simple abri en cas de mauvais temps, pour reprendre notre souffle et nous réchauffer un peu. Nous nous y entassons avec d'autres randonneurs. On s'y retrouve à quatre ou cinq, le col est un passage très fréquenté et y convergent de multiples parcours. En un an, pour trois parcours différents, Ivan l'a franchi pour la troisième fois.
L'abri, tout minuscule qu'il soit, est un univers polyglotte. Oui, Yes, Ja, et Da, même, comme nous confirment le couple qui nous demandent leur chemin vers le col de la Croix du Bonhomme en anglais, avant de poursuivre leur conversation en langue slave. Les murs de l'abri eux-mêmes parlent. Le bois foncé est propice à la gravure. Après l'ascension, il est d'autant plus fréquent que l'on se rengorge d'avoir été là et que l'on veuille laisser sa marque, nous permettant de saluer l'effort de randonneurs de toutes origines, fait d'hier ou qu'il soit daté d'il y a 30 ans, au fil de la lecture des lettres, chiffres ou idéogrammes nous tombant devant les yeux.
L'heure tournait et nous nous trouvions toujours en plein nuage. Il nous fallait continuer notre route vers le col de la Croix du Bonhomme. C'est à ce moment que la pluie se mua en orage, avec les précipitations abondantes qui l'accompagnent. L'orage est le fidèle ennemi des randonneurs, surtout lorsqu'ils n'ont pas d'abri et qu'ils sont exposés, ce que nous étions, nous avons donc accéléré la cadence. Notre tâche s'est aussi trouvée compliquée par l'eau de l'averse qui rendait boueux le chemin et gonflait le torrent que nous avions à traverser.
Notre parcours vers le refuge du Col de la Croix du Bonhomme, situé à près de 2500 m d'altitude, ne se fit pas sans fatigue et lorsque nous avons abouti dans le refuge, nous étions trempés au point de tordre nos vêtements et frigorifiés.Seul refuge dans les environs, à cheval sur le passage du col, il fallut payer le prix fort(selon les tarifs en vigueur dans les refuges) pour trouver là-bas l'assurance d'un abri et de chaleur pour la soirée et la nuit. Mais le privilège de sécher un peu et de poursuivre la randonnée sans souffrir continuellement de l'humidité, que nous n'aurions pas eu si nous avions déplié la tente sous la pluie, valait bien les 20 € que nous avons déboursé. Comme quoi même à 2400 mètres passés, nous pouvons nous faire rappeler la leçon d'économie élémentaire liant la hausse des coûts à la rareté.
Le lendemain, la matinée s'est un peu étirée à cause de l'intempérie qui se poursuivait. Vers les 8h30, malgré le brouillard persistant, la pluie a cessé, nous laissant la trêve nécessaire pour nous esquiver sitôt nos effets ramassés. Alors que nous descendions de l'autre côté du col, vers les chalets de la Raja, en direction du village des Chapieux, le ciel s'est soudain dégagé, nous permettant de voir dans le lointain le refuge que nous avions quitté. Du rocher nu jouxté d'un peu d'herbe et de mousse se trouvant à 2500 mètres, nous avons vu le paysage et la végétation se transformer de nouveau au fil de la descente, retrouvant des herbes plus hautes, observant le retour des arbres, des troupeaux et de l'activité humaine sur notre chemin alors que nous parcourrions un dénivelé de 1000 mètres en descente.
Après avoir traversé le minuscule village alpin de Chapieux, nous avons emprunté une longue route goudronnée se dirigeant vers Ville-des-Glaciers. Le chemin parcouru par des navettes entre les deux villes semblait monotone, après le passage sur les sentiers escarpés. Cependant, quelques fraises sauvages croissant sur le bas-côté de la route asphaltée nous ont aidé à tromper à la fois la faim et l'ennui, ainsi que la vue impressionnante sur la vallée située en contrebas.
Au terme du chemin, nous nous sommes retrouvés à Ville-des-Glaciers, une agglomération encore plus petite que la précédente au pied de l'Aiguille des Glaciers. Derrière la petite chapelle laissée à elle-même, nous avons sorti le réchaud et avons préparé de quoi casser la croute.
Cependant le saucisson que nous avions emporté avec nous au début du voyage nous aura quitté sur place, emportés par quelques chiens locaux qui profitèrent du moment où nous récurions gamelles et couverts pour nous le chiper.Après avoir fait le deuil de ce compagnon de voyage, nous avons entrepris la montée vers le col de de la Seigne, faisant office de frontière entre la France et l'Italie. Au gré de l'ascension nous voyions le chemin serpenter derrière nous, retrouvions du regard tout notre parcours, à mesure de notre remontée vers ce col juché à 2516 m de hauteur.
Pour nous accompagner dans notre montée, les paysages époustouflants des montagnes découpées en lame de rasoir sur l'horizon, les stries des torrents à leur surface, les glaciers les surplombant, les nuages plus ou moins chargés les frôlant et le jeu de la lumière et des ombres sur leur surface.
Quelques photos de la montée
Nous avons établi un campement non loin du col, à environ 2400 m d'altitude. Au vu des rafales de vent ainsi que de l'altitude, la nuit fut fraiche. Le lendemain, avec seulement quelques mètres à parcourir pour franchir la frontière, nous escomptions nous trouver en Italie avant la fin de la matinée.
Quelques photos du Col de la Seigne
Par la suite nous sommes redescendus dans la vallée d'Aoste, région autonome italienne, par un petit sentier serpentant dans la Lée Blanche. Quelques fleurs bleutées attirèrent notre attention.
C'est à cause du côté italien que le col de Seigne porte son nom, issu du terme latin sancia, signifiant plaine marécageuse. La terre, du côté italien, était davantage imbibée d'eau et la cause de ce nom se remarque particulièrement à la retenue d'eau du lac Colombal où le marécage s'étire aux abords du chemin niché dans la vallée. Peu après le col on peut remarquer de curieuses habitations semi-troglodytes, maintenant ses habitants au frais l'été et au chaud l'hiver.
Nous continuons notre route, redescendant au fond de la vallée pour remonter de nouveau, atteignant notre 2500 m quotidien au sommet de l'Arp Vieille supérieure, pour redescendre de nouveau sur le chemin de Dolonne et Courmayeur, serpentant sur le flanc des montagnes. On y remarquera des panneaux fort particuliers.
Nous aboutissons finalement au Col Chécrouit, station de ski désertée vu la saison, en surplomb de Courmayeur, où nous passerons notre dernière nuit. Nous profiterons de l'eau issue d'un refuge, qu'on nous laisse prendre après nous avoir fait la mention qu'on la présumait potable, lorsque nous nous en sommes informés. La méprise était là, sans doutes. Nous avons consacré la quatrième journée à la descente vers Courmayeur, vu l'état dans lequel m'avait laissée l'eau du refuge. Non sans déception nous sommes rentrés plus tôt que prévu, mais nous osons dire : Nous reviendrons!
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