lundi 6 septembre 2010

Loire IV : Blois


Blois, château hétéroclite bâti en enclave carrée, illustre mieux que ses semblables l'accumulation historique dont bien des lieux en Europe sont témoins. En ville majeure d'une autre époque s'y sont succédés 7 rois et 10 reines de France, sans compter ceux qui ne l'étaient pas, comme Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII.

Une des ailes fut construite au 13e siècle : la salle des États généraux, par le dernier comte de Blois issu de Champagne. Au dessus de sa brique rouge étonnante, on peut distinguer les festons de la dentelle gothique. La tour de Foix, un peu à l'écart, remonte à la même époque. Dans cette vaste salle de réception où des fenêtres plus vastes furent percées, rompant avec le genre du 13e, furent rassemblés à quelques reprises les États généraux.

L'histoire même du château n'est que successions de démolitions partielles de l'Ancien pour la reconstruction de moderne, d'un nouveau magnifique qui se substitue à celui d'autrefois. François 1er, par exemple, fit démolir le logis médiéval pour faire rebâtir dans le style renaissance, au plaisir de son épouse Claude qui fut élevée à Blois. L'hermine et la salamandre y sont visibles partout, emblèmes des deux époux.

Dans cette aile, on retrouve l'unique cabinet royal conservé en France, de l'aile il est la seule pièce authentique. D'abord attribué à la Reine Catherine de Médicis sous le nom de cabinet aux secrets, il s'agit plutôt d'un bureau (studio = étude, en italien) du Roi. Le nom de cabinet aux secrets est authentique, des pans des boiseries peuvent s'ouvrir si on sait comment, révélant soit portes dérobées ou bien armoires cachées. Les écrivains romantiques ont désigné ces lieux comme ceux où "La reine noire" -au vu de son sempiternel deuil- conservait ses poisons. Il n'en était rien, pour le Roi cette pièce n'était qu'un moyen supplémentaire d'impressionner ses invités et illustrer sa grandeur. Car dans les petits compartiments cachés se dissimulaient de menus trésors ou éléments rares que le roi se plaisait à exhiber à des invités triés sur le volet, jouant à la fois du privilège, du raffinement de l'innovation et de la richesse du lieu ainsi que des possessions pour marquer d'une forte impression.

La symétrie de sa construction d'antan est aujourd'hui rompue. Non pas à cause des affres du temps, mais à cause des démolitions de Gaston d'Orléans qui aspirait à faire reconstruire le château de Blois et en faire le palais du Roi qu'il serait. Frère du Roi conspirateur, suite à de multiples tentatives de coup d'Etat pour récupérer le pouvoir d'un frère sans héritier, il avait été éloigné à Blois avec une forte somme d'argent afin qu'il cesse de nuire. Le pécule offert devait servir à l'occuper, Gaston d'Orléans décida de l'investir dans la construction de son palais. Il envisageait ainsi de faire abattre tout le château pour le faire reconstruire plus grandiose encore, dans l'architecture classique du 17e. Il fit d'ailleurs abattre un pan de l'aile de François 1er. Son ambitieux projet fut interrompue par la naissance inattendue de Louis XIV, ses bâtisseurs le délaissant de crainte de ne pas être payés. Il ne put jamais vivre dans l'aile qu'il fit bâtir, laissée en plan avant d'être habitable.

Puis, tout près, s'élève l'aile de Louis XII et d'Anne de Bretagne. Dans un style à cheval entre le gothique français et celui de la renaissance italienne, on y perçoit comme un augure le style à venir, avec ses lieux plus ouverts et son balcon. Sur le côté de cette aile se dresse la chapelle d'Anne de Bretagne, bien qu'amputée de sa nef par l'ambitieux projet de Gaston d'Orléans.

Ces quatre ailes entourent une cour intérieure, où simplement en tournant la tête les strates des époques nous semblent visibles grâce aux attributs architecturaux des bâtiments.

Outre ceci, ce château a une caractéristique moins visible : il est un lieu-clef dans la guerre des trois Henris. C'est là qu'Henri III fit assassiner dans sa chambre Henri de Guise, le ligueur catholique.

L'intérieur du château, devenu caserne à la Révolution, serait bien drabe sans l'intervention de l'architecte Félix Duban au XIXe siècle. Il fit refaire une majorité de boiseries, de carrelages et de décors dans le château, espérant lui rentre ses atours d'antan. Le décor intérieur est fastueux, se veut réaliste et historiquement fidèle, mais il n'est toutefois pas authentique. Il s'agit d'une autre strate d'histoire, celui de la reconstitution du XIXe, qui se superpose aux autres.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire