Première semaine du mois d'aout : nous partions, paquetage au dos, pour une grande randonnée, le Tour du Mont Blanc, aussi appelé familièrement et amicalement TMB.
Malgré le fait que, pour moi, le tour ait été un demi-tour, sachant qu'une intoxication m'ait arrêtée à mi-chemin, l'expérience a été exceptionnelle. J'en ressors ébahie par les paysages que mon regard a pu embrasser et édifiée à propos des sources de montagnes qui, même à 1900 mètres ne seraient pas toujours pures, quoi qu'on en dise. Je suis donc rentrée, mais je ne renie pas pour autant la grande randonnée. Je dis donc à la montagne que c'est à charge de revanche. Lestée de filtres d'eau en plus, je reviendrai. Ne reste plus qu'à pousser un rire machiavélique pour l'effet dramatique, bien que je doute que ce serment effare la moindre montagne (fort heureusement).
Après le départ de Contamines-Montjoie, nous avons parcouru une étendue plane. On semblait, dans le parcours villageois précédant les gorges Notre-Dame, s'étonner de notre lourd paquetage. Plus de familles sorties pour la journées ou la matinée, voyageant léger, croisaient notre chemin que de randonneurs engagés dans un périple de quelques jours. La première montée assez raide me fait reconsidérer le rythme, pas le choix avec une quinzaine de kilos en plus (sur le dos et amovibles, encore heureux).
Avec la première journée (commencée tardivement il est vrai) s'acquièrent les habitudes et le rythme de croisière.Il nous arrive de croiser, de temps à autre, une source d'eau digne de figurer dans les publicités d'eau embouteillée. On nous avait juré que dans le massif nous ne manquerions jamais d'eau et le massif semblait bien décidé à faire honneur à cette promesse. En règle générale, au dessus de la zone de croissance des feuillus et de passage des troupeaux d'alpages, soit environ 1500 mètres, l'eau est pure et potable. Et empreinte d'un indéniable charme bucolique il faut dire.
Le premier repas passé, nous parcourrons une étendue de pâturages qui s'étendent en contrebas du col du Bonhomme, vers lequel nous nous dirigions. On y remarque certains chalets d'alpages, quelques troupeaux. Plus nous montons dans le parc naturel des Contamines, plus ils se font rares.
Bien que durant la matinée, le temps était déjà aux averses sporadiques, le temps se couvre davantage durant l'après-midi. Vers les 15h, au moment où nous sommes engagés dans la montée du col du bonhomme, le ciel se plombe puis des trombes d'eau commencent à le crever. Les sifflements aigus des marmottes se taisent, ou bien tout absorbés que nous sommes dans la montée, nous ne les entendons plus.
C'est à demi trempés que nous arrivons au sommet du Col du Bonhomme. Nous profitons de la présence d'une cabane minuscule, simple abri en cas de mauvais temps, pour reprendre notre souffle et nous réchauffer un peu. Nous nous y entassons avec d'autres randonneurs. On s'y retrouve à quatre ou cinq, le col est un passage très fréquenté et y convergent de multiples parcours. En un an, pour trois parcours différents, Ivan l'a franchi pour la troisième fois.
L'abri, tout minuscule qu'il soit, est un univers polyglotte. Oui, Yes, Ja, et Da, même, comme nous confirment le couple qui nous demandent leur chemin vers le col de la Croix du Bonhomme en anglais, avant de poursuivre leur conversation en langue slave. Les murs de l'abri eux-mêmes parlent. Le bois foncé est propice à la gravure. Après l'ascension, il est d'autant plus fréquent que l'on se rengorge d'avoir été là et que l'on veuille laisser sa marque, nous permettant de saluer l'effort de randonneurs de toutes origines, fait d'hier ou qu'il soit daté d'il y a 30 ans, au fil de la lecture des lettres, chiffres ou idéogrammes nous tombant devant les yeux.
L'heure tournait et nous nous trouvions toujours en plein nuage. Il nous fallait continuer notre route vers le col de la Croix du Bonhomme. C'est à ce moment que la pluie se mua en orage, avec les précipitations abondantes qui l'accompagnent. L'orage est le fidèle ennemi des randonneurs, surtout lorsqu'ils n'ont pas d'abri et qu'ils sont exposés, ce que nous étions, nous avons donc accéléré la cadence. Notre tâche s'est aussi trouvée compliquée par l'eau de l'averse qui rendait boueux le chemin et gonflait le torrent que nous avions à traverser.
Notre parcours vers le refuge du Col de la Croix du Bonhomme, situé à près de 2500 m d'altitude, ne se fit pas sans fatigue et lorsque nous avons abouti dans le refuge, nous étions trempés au point de tordre nos vêtements et frigorifiés.Seul refuge dans les environs, à cheval sur le passage du col, il fallut payer le prix fort(selon les tarifs en vigueur dans les refuges) pour trouver là-bas l'assurance d'un abri et de chaleur pour la soirée et la nuit. Mais le privilège de sécher un peu et de poursuivre la randonnée sans souffrir continuellement de l'humidité, que nous n'aurions pas eu si nous avions déplié la tente sous la pluie, valait bien les 20 € que nous avons déboursé. Comme quoi même à 2400 mètres passés, nous pouvons nous faire rappeler la leçon d'économie élémentaire liant la hausse des coûts à la rareté.
Le lendemain, la matinée s'est un peu étirée à cause de l'intempérie qui se poursuivait. Vers les 8h30, malgré le brouillard persistant, la pluie a cessé, nous laissant la trêve nécessaire pour nous esquiver sitôt nos effets ramassés. Alors que nous descendions de l'autre côté du col, vers les chalets de la Raja, en direction du village des Chapieux, le ciel s'est soudain dégagé, nous permettant de voir dans le lointain le refuge que nous avions quitté. Du rocher nu jouxté d'un peu d'herbe et de mousse se trouvant à 2500 mètres, nous avons vu le paysage et la végétation se transformer de nouveau au fil de la descente, retrouvant des herbes plus hautes, observant le retour des arbres, des troupeaux et de l'activité humaine sur notre chemin alors que nous parcourrions un dénivelé de 1000 mètres en descente.
Après avoir traversé le minuscule village alpin de Chapieux, nous avons emprunté une longue route goudronnée se dirigeant vers Ville-des-Glaciers. Le chemin parcouru par des navettes entre les deux villes semblait monotone, après le passage sur les sentiers escarpés. Cependant, quelques fraises sauvages croissant sur le bas-côté de la route asphaltée nous ont aidé à tromper à la fois la faim et l'ennui, ainsi que la vue impressionnante sur la vallée située en contrebas.
Au terme du chemin, nous nous sommes retrouvés à Ville-des-Glaciers, une agglomération encore plus petite que la précédente au pied de l'Aiguille des Glaciers. Derrière la petite chapelle laissée à elle-même, nous avons sorti le réchaud et avons préparé de quoi casser la croute.
Cependant le saucisson que nous avions emporté avec nous au début du voyage nous aura quitté sur place, emportés par quelques chiens locaux qui profitèrent du moment où nous récurions gamelles et couverts pour nous le chiper.Après avoir fait le deuil de ce compagnon de voyage, nous avons entrepris la montée vers le col de de la Seigne, faisant office de frontière entre la France et l'Italie. Au gré de l'ascension nous voyions le chemin serpenter derrière nous, retrouvions du regard tout notre parcours, à mesure de notre remontée vers ce col juché à 2516 m de hauteur.
Pour nous accompagner dans notre montée, les paysages époustouflants des montagnes découpées en lame de rasoir sur l'horizon, les stries des torrents à leur surface, les glaciers les surplombant, les nuages plus ou moins chargés les frôlant et le jeu de la lumière et des ombres sur leur surface.
Quelques photos de la montée
Nous avons établi un campement non loin du col, à environ 2400 m d'altitude. Au vu des rafales de vent ainsi que de l'altitude, la nuit fut fraiche. Le lendemain, avec seulement quelques mètres à parcourir pour franchir la frontière, nous escomptions nous trouver en Italie avant la fin de la matinée.
Quelques photos du Col de la Seigne
Par la suite nous sommes redescendus dans la vallée d'Aoste, région autonome italienne, par un petit sentier serpentant dans la Lée Blanche. Quelques fleurs bleutées attirèrent notre attention.
C'est à cause du côté italien que le col de Seigne porte son nom, issu du terme latin sancia, signifiant plaine marécageuse. La terre, du côté italien, était davantage imbibée d'eau et la cause de ce nom se remarque particulièrement à la retenue d'eau du lac Colombal où le marécage s'étire aux abords du chemin niché dans la vallée. Peu après le col on peut remarquer de curieuses habitations semi-troglodytes, maintenant ses habitants au frais l'été et au chaud l'hiver.
Nous continuons notre route, redescendant au fond de la vallée pour remonter de nouveau, atteignant notre 2500 m quotidien au sommet de l'Arp Vieille supérieure, pour redescendre de nouveau sur le chemin de Dolonne et Courmayeur, serpentant sur le flanc des montagnes. On y remarquera des panneaux fort particuliers.
Nous aboutissons finalement au Col Chécrouit, station de ski désertée vu la saison, en surplomb de Courmayeur, où nous passerons notre dernière nuit. Nous profiterons de l'eau issue d'un refuge, qu'on nous laisse prendre après nous avoir fait la mention qu'on la présumait potable, lorsque nous nous en sommes informés. La méprise était là, sans doutes. Nous avons consacré la quatrième journée à la descente vers Courmayeur, vu l'état dans lequel m'avait laissée l'eau du refuge. Non sans déception nous sommes rentrés plus tôt que prévu, mais nous osons dire : Nous reviendrons!
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